mercredi 30 mars 2011

Agneau rôti

Bien que de formes variées, toutes les parties nobles de l'agneau peuvent être rôties au four : le gigot et l'épaule bien sûr, mais aussi la selle ou le carré (ensemble formé par les 13 côtes d'un demi-thorax ou par une partie d'entre elles). Après avoir essayé toutes sortes de températures et de durées de cuisson, je vous conseille l'approche suivante :

Préchauffez le four à 240°. Assaisonnez de poivre et de sel votre pièce d'agneau (si possible avec un peu d'avance pour qu'ils s'imprègnent bien). On peut ajouter d'autres épices (coriandre, cumin), des branches de thym, voire de la moutarde à l'ancienne, même si cette dernière peut masquer la fine saveur d'un agneau de grande origine.
Posez la viande dans un plat aux dimensions adaptées (il doit y avoir de l’espace autour de la viande, mais pas trop). Arrosez-la d'huile d'olive ou posez dessus quelques noix de beurre. Entourez-la de 3 ou 4 gousses d'ail en chemise et d'un verre d'eau.
Enfournez pour 10 à 12 minutes par livre, selon que vous voulez une viande rosée ou à point. Arrosez une ou deux fois pendant la cuisson. Puis éteignez le four et laissez-y la viande pour une durée équivalente à celle de la cuisson.
Sortez le plat du four et posez le rôti sur une planche. Si le jus n'est pas assez abondant, déglacez avec un petit verre d'eau (ou mieux, un jus d'agneau réalisé avec les des parures et des os). Raclez bien le fond et les côtés du plat pour récupérer tous les sucs de cuisson. Écrasez les gousses d'ail avec une fourchette et mélangez. Remettez le plat sur le feu quelques instants pour réduire le jus, si vous le jugez un peu trop liquide. Versez-le ensuite dans une saucière à travers un chinois, en pressant bien.
Découpez votre pièce d'agneau et remettez-la de préférence dans le plat de cuisson, ou dans un plat de service bien chaud, pour éviter que la viande n'ait refroidi avant d'avoir fait le tour de la table.
Un grand agneau rôti se déguste avec un grand vin rouge, de préférence fin et évolué (par exemple un bourgogne de la Côte-de-Beaune, ou un médoc au boisé fondu). Des vins plus jeunes ou charpentés seront réservés aux barbecues, ou aux recettes plus épicées comme les tajines.

mardi 29 mars 2011

Nouilles sōmen aux crevettes grises

Des pâtes japonaises et des crevettes de l'atlantique, dans une recette d'inspiration chinoise où le dosage en aromates doit rester léger, pour préserver le goût tout en finesse de la « grise ».

Pour 4 entrées. Faites bouillir à l'eau pendant 2 minutes 150 g de nouilles japonaises de type sōmen (très fines spaghettis de farine de blé), que l'on peut envisager de remplacer par de bons spaghettinis italiens. Rafraîchissez-les sous l'eau froide et laissez-les s'égoutter, en ajoutant quelques gouttes d'huile de sésame pour éviter qu'elles ne collent en refroidissant.
Faites cuire 250 g de crevettes grises à l'eau bouillante salée et poivrée et laissez-les tiédir, puis décortiquez-les en conservant les têtes et les carapaces. Mettez celles-ci dans une petite casserole et couvrez-les largement d'eau froide. Portez à ébullition et laissez réduire pour obtenir un bouillon concentré de crevette (5 cl). Filtrez.
Ciselez finement le blanc d'un oignon nouveau ou de 2 cives, 10 g de gingembre frais, 2 gousses d'ail ou 4 d'ail nouveau, qui vient d'arriver sur les marchés.
Faites chauffer au wok ou à la poêle 2 cuillers à soupe d'huile de sésame, et faites y revenir vivement les aromates. Ajoutez les nouilles et mélangez bien pour leur faire prendre couleur. Baissez le feu et mouillez avec le bouillon de crevette et 5 cl de saké (ou de vin blanc). Ajoutez pour finir les crevettes, le vert de l'oignon nouveau et un trait de sauce soja

Rectifiez l'assaisonnement et servez dans quatre bol avec des baguettes.


lundi 28 mars 2011

Tarte aux fraises

J'ai craqué ! Mon « primeur » préféré m'assure que ses gariguettes de Plougastel ont mûri naturellement. Sous serre, bien sûr, mais sans chauffage d'appoint (de toutes façons, au prix du gaz en ce moment...)
Il me les fait goûter. Contrairement à leurs concurrentes ibériques, elles ont assez de parfum pour garnir une première tarte de printemps. Nous l'avons trouvé délicieuse, mais on est toujours indulgent lorsque l'on retrouve la saveur des fraises après quatre ou cinq mois d'abstinence.


Pour une belle tarte pour huit personnes.
La veille, ou au moins quatre heures à l'avance, préparez une pâte sablée sucrée.
Deux heures avant le repas. Râpez le zeste d'un bon citron et pressez-en le jus. 
Équeutez 500 g de gariguettes, en évitant de les laver. Coupez-les en deux dans le sens de la longueur et mettez-les dans un saladier avec le jus de citron et 100 g de sucre roux de canne. Mélangez délicatement (la gariguette est fragile) et laissez mariner deux heures au frigo.
Foncez un moule beurré avec 150 g de pâte étalée finement, en prenant soin de faire déborder la pâte du moule pour que les bords ne retombent pas à la cuisson. Piquez-la régulièrement avec une fourchette et faites-la cuire à blanc à 160° (four ventilé), pendant 20 à 25 minutes, le temps d'obtenir une coloration blonde sur toute la surface. Laissez refroidir à température ambiante avant de démouler. Inutile de la couvrir avec des billes ou des légumes secs, comme on le recommande souvent. La perforation régulière de la pâte lui évitera de trop se soulever. 
Dans un petit mixer, mélangez le zeste de citron râpé, les graines d'une gousse de vanille et 30 g de sucre glace, pour obtenir une poudre fine et fluide.
Fouettez 20 cl de crème fleurette entière très froide, dans un bol profond lui-même très froid (mettez-le 30 minutes au congélateur pour assurer le coup). Ajoutez peu à peu la poudre parfumée, et fouettez jusqu'à la consistance d'une crème chantilly légère.
Égouttez délicatement les fraises. Récupérez le jus dans une petite casserole et ajoutez 50 g de sucre roux, puis faites réduire à la consistance d'un sirop épais. Transvasez dans un petit bol et laissez refroidir.
Étalez une fine couche de crème fouettée sur le fond de tarte. Garnissez de fraises et à l'aide d'un pinceau alimentaire, glacez chaque fraise avec un peu de sirop. Laissez la tarte à température ambiante jusqu'au service.

La marinade sucre-citron et le sirop ont pour but de concentrer la saveur de ces fraises de printemps qui, quoi qu'on en dise, manque encore un peu de douceur et de parfum. Cet été, on pourra les utiliser nature ou mettre moins de sucre.

samedi 26 mars 2011

Pintade au cidre, chicorée à l'aigre-doux

Le goût un peu sauvage de la pintade s’accommode bien d'une sauce naturellement sucrée par le cidre. De même que la chicorée, salade un peu trop amère pour les vinaigrettes habituelles.

Pour 4 personnes. Découpez la pintade : prélevez les deux cuisses et les deux suprêmes (le suprême d'une volaille est l'ensemble formé par l'aile et le filet). Gardez les autres morceaux pour faire un fond de volaille, pour cette recette ou pour une autre.
Taillez de gros lardons dans 150 g de lard fumé.
Taillez une carotte et deux échalotes en grosse mirepoix.
Dans un mélange de beurre et d'huile, au fond d'une cocotte en fonte, faites revenir les morceaux de pintade parsemés de fleur de sel,  jusqu'à bonne coloration. Poivrez et retirez de la cocotte. Baissez le feu, et faites colorer le lard, et après deux minutes la mirepoix de carotte et d'échalotes, avec deux gousses d'ail épluchées et dégermées. Faites suer quelques minutes avant de remette la pintade, ajoutez une cuiller à soupe bombée de farine et remuez bien pour enrober la viande et les légumes (ce que l'on appelle singer). 
Mouillez avec 20 cl de cidre et 20 cl de fond de volailleLaissez cuire à couvert et à feu doux 45 minutes environ. 
Pendant ce temps, préparez la salade. Lavez et égouttez soigneusement une chicorée. Mettez une cuiller à café de vergeoise (ou de sucre roux de canne) dans une petite tasse, ajoutez deux cuiller à soupe de vinaigre de cidre, du sel et du poivre. Tout en remuant pour émulsionner, ajoutez 4 cuillers à soupe d'huile d'arachide en filet. Arrosez la chicorée avec cette vinaigrette aigre-douce.
Râpez un zeste de citron et hachez finement quelques brins de persil. Mélangez-les.
Sortez la volaille de la cocotte, et couvrez-la de papier alu. Faites réduire la sauce à consistance, et ajoutez 2 bonnes cuillers à soupe de crème fraîche. Laissez bouillir quelques instants. Au dernier moment, remettez la pintade et ajoutez le mélange citron-persil.
Servez avec le cidre ayant servi à la préparation.

vendredi 25 mars 2011

Quiche au poireau

Ce n'est pas tous les jours dimanche. Mais on peut se faire plaisir tous les jours. Une bonne quiche par exemple...

Pour 6 personnes.
Faites cuire au beurre, à couvert, 2 beaux poireaux finement émincés, sans ajouter d'eau et sans leur faire prendre couleur. Salez, poivrez. Laissez refroidir.
Étalez finement 150 g de pâte brisée (sans sucre) et foncez un moule à tarte profond (ou une tourtière) beurré. Prenez soin de faire déborder la pâte du moule et de la coller aux bords extérieurs, pour qu'elle ne s'affaisse pas lors de la pré-cuisson. Piquez le fond régulièrement avec une fourchette, pour évitez qu'il ne gonfle.
Mettez au four ventilé à 200° pendant 10 minutes (cuisson à blanc). Cette étape est essentielle si vous voulez que votre pâte soit croustillante.
Pendant ce temps, faites revenir 150 g de lard fumé coupé en petits lardons. Donnez lui une belle coloration et égouttez.
Fouettez œufs avec 30 cl de crème fraîche. Poivrez et salez légèrement.
Sortez le fond de tarte précuit et répartissez les lardons et le poireau. Versez l'appareil œufs-crème fraîche. Parsemez de muscade râpée.
Enfournez pour 30 minutes supplémentaires.
Servez bien chaud, avec une salade verte.

jeudi 24 mars 2011

Chair d'araignée et Saint-Jacques, vinaigrette au corail

C'est la pleine saison de l'araignée, et il reste encore quelques Saint-Jacques sur les étals. Profitez-en pour les marier !

Pour 4 personnes.

Prenez 4 belles Saint-Jacques, décortiquées et lavées, et séparez le corail de la noix.Tranchez les noix en fines tranches (1 mm), et étalez-les sur une assiette. Réservez au frais.
Faites cuire une grosse araignée de mer (ou deux moussettes) et décortiquez-la en mettant de côté le corail. Rassemblez les chairs dans un saladier, que vous ne mettrez pas au frigo.
Faites blanchir à l'eau bouillante salée des légumes coupés en très fine mirepoix : une carotte (1 minute), une petite courgette (30 secondes), une petite branche de céleri (2 minutes), un quart de poivron jaune (1 minute). Rafraîchissez-les immédiatement dans l'eau très froide et égouttez-les. Ajoutez-les à la chair d'araignée, avec quelques brins de persil et de coriandre finement ciselés.
Préparez la vinaigrette. Mixez le corail des Saint-Jacques. Mettez-en une cuiller à café dans une tasse, ajoutez un demi-jus de citron, salez et poivrez. Ajoutez en filet 10 cl d'huile d'arachide en émulsionnant. Mélangez la moitié de cette vinaigrette à la chair d'araignée et aux légumes. 
Avez le reste du corail, préparez quatre croûtons.
15 minutes avant de servir :  sortir les tranches de Saint-Jacques du frigo. Avec un pinceau alimentaire, badigeonnez-les de vinaigrette. Donnez un tour de poivre.
Posez dans chaque assiette deux petits tas de chair d'araignée, surmontés des tranches de noix de Saint-Jacques. Parsemez de fleur de sel. Répartissez le reste de vinaigrette et le corail d'araignée. Posez les croûtons de corail de Saint-Jacques sur un coin de l'assiette.

mercredi 23 mars 2011

Tartelette à la banane

Cette recette inspirée d'Olivier Roellinger évite tous les pièges d'un banal dessert à la banane (souvent lourd et trop sucré), par la grâce d'un sirop rhum-mangue-citron vert et quelques graines de maracudja.

Préparez une pâte brisée.
Pour 4 tartelettes. Passez une demi-mangue épluchée au mixer. Râpez un citron vert et pressez son jus. Préparez le sirop : mélangez dans une casserole 200 g de pulpe de mangue, le jus et le zeste de citron vert, une gousse de vanille égrenée, 200 g de sucre roux de canne, 10 cl de rhum agricole parfumé (par exemple du rhum Père-Labat de Marie-Galante). Faites bouillir et laissez refroidir.
Étalez la pâte très finement, détaillez des ronds et posez-les sur une plaque beurrée ou anti-adhésive (type SILPAT
®).
Coupez 4 bananes en rondelles fines (2-3 mm). Plongez-les dans le sirop refroidi pendant 15 minutes, et disposez-les, sans trop les égoutter, sur les fonds de tartelettes. Faites cuire à four ventilé à 200° pendant 20 minutes.Pendant ce temps, filtrez le sirop et réchauffez-le à feu doux. Ouvrez un maracudja (fruit de la passion) en deux et prélevez-en les graines. Posez une tartelette sur chaque assiette, parsemez de graines de maracudja et entourez-la d'un ruban de sirop.
Servez avec un petit verre du rhum ayant servi à la recette, après l'avoir rafraîchi au frigo.

lundi 21 mars 2011

Granité d'orange sanguine, gelée de citron vert

Un entremets bien frais, à servir avant le véritable dessert, ou en même temps s'il est au chocolat. On peut aussi l'accompagner d'une tuile ou d'un biscuit.

Pour 4 verrines moyennes. À préparer la veille, ou le matin pour un dîner.
Pressez le jus de 2 citrons verts et râpez le zeste de l'un d'entre eux. Mettez l'ensemble dans une petite casserole avec le même poids en sucre et portez à ébullition. Transvasez dans un petit bol et ajoutez une feuille de gélatine préalablement ramollie dans l'eau froide et égouttée. Mélangez bien et mettez au frais quelques heures, le temps de former une gelée consistante.
Pendant ce temps, pressez le jus de 4 oranges sanguines et pesez-le. Faites bouillir le tiers de ce poids en sucre dans une petite casserole, avec 10 à 15 cl d'eau. Laissez frémir 2 minutes et retirez du feu. Lorsque le sirop a refroidi, ajoutez-le au jus d'orange, versez dans un petit plat peu profond et mettez au congélateur. Laissez prendre 3 à 4 heures en remuant de temps à autre avec une fourchette.
Répartissez le granité dans les verrines et couvrez de gelée de citron vert. Servez aussitôt, avant que les deux éléments ne se mélangent.

dimanche 20 mars 2011

Hanami

Aujourd'hui, ni produit ni recette, mais une invitation à contempler le réveil de la nature, à méditer sur le cycle des saisons.
Le cerisier de mon jardin est précoce : il donnera des fruits en juin, de petites cerises roses et acidulées que nous dégusterons si les pigeons nous en laissent. En attendant, nous profitons de ses fleurs et du parfum du lilas voisin.
Hier, le marchand de primeurs tentait encore de me vendre ses fraises de serre, son raisin d'Afrique du sud, des framboises.
Je m'obstine à lui acheter des citrons de Menton, quelques fruits exotiques, des légumes d'hiver. La tentation est grande, aux premiers beaux jours, d'oublier le long hiver et de se tourner vers l'avenir. Seulement voilà, en matière de fruits et légumes, l'avenir est une escroquerie. La vérité est au présent, dans l'instant et le bonheur fugace.
Plus je cuisine, plus je me sens nippon.
Souhaitons aux Japonais, en dépit de leur malheur présent, de trouver la force de célébrer le hanami (« regarder les fleurs »). C'est la plus belle leçon qu'ils peuvent nous donner.

samedi 19 mars 2011

Bar au miso, fenouil sauté à l'orange

Dans cette libre interprétation d'une recette traditionnelle japonaise, la finesse du bar remplace la rusticité du maquereau. Et ça marche !

Préparez de beaux pavés dans les filets d'un gros bar d'au moins 1,2 kg. Enlevez les arêtes (avec une pince adaptée, ou à défaut une pince à épiler), mais laissez la peau. Réservez au frais.
Ciselez 20 g de gingembre frais et 2 gousses d'ail. Faites-les suer à la casserole, dans une noix de beurre. Lorsqu'ils sont translucides, ajoutez le zeste d'un demi-citron et 50 g de miso rouge (akamiso). Remuez bien, puis mouillez avec 10 cl de saké et 20 cl de fumet de poisson. Laissez infuser à feu très doux, à découvert, pendant 30 minutes.
Pendant ce temps, ciselez finement un bulbe de fenouil, après l'avoir paré, débarrassé de ses parties les plus fermes et coupé en deux. Pressez le jus d'une orange. Dans une poêle ou un wok, faites chauffer une cuiller à soupe d'huile de sésame, et jetez-y le fenouil ciselé. Faites revenir 2 minutes pour le colorer, puis ajoutez le jus d'orange et poursuivez la cuisson à feu vif en remuant, jusqu'à l'évaporation totale du liquide. Ajoutez un trait de sauce soja et parsemez de gomasio (mélange à parts égales de graines de sésame noir et de fleur de sel). Le fenouil doit rester légèrement croquant.
Faites cuire les pavés de bar à la vapeur, sur la peau, si possible au-dessus d'un dashi, ou à défaut d'eau parfumée avec une poignée de varech. 
Pendant ce temps, réchauffer la sauce et délayez-y 10 cl de lait de coco. Faites réduire à bonne consistance.
Posez sur chaque assiette bien chaude le fenouil à l'orange et un pavé de bar débarrassé de sa peau (et des traces noires laissées par la coagulation du sang). Nappez de sauce.
Accompagnez d'un excellent saké ou d'un bourgogne blanc. 

jeudi 17 mars 2011

Tarte à la rhubarbe

La rhubarbe est un des rares fruits authentiquement printaniers (c'est d'ailleurs un légume au regard de la botanique). Il est aisé d'en faire des compotes et des confitures, mais la tarte exige quelques menues précautions. Heureusement, j'ai bien observé ma mère, qui la réussit comme personne.

Pour une belle tarte de 8 personnes. Préparez une pâte brisée au moins deux heures à l'avance. Pendant qu'elle repose, confectionnez une crème d'amande sans crème pâtissière : pétrissez 80 g de beurre au robot pour le transformer en pommade, puis ajoutez 80 g d'amandes en poudre avec 80 g de sucre glace (ce que l'on appelle un tant-pour-tant). Tournez 30 secondes avant d'ajouter un œuf. Continuez à pétrir à vitesse moyenne pour obtenir une masse homogène et légère. Ajoutez à la fin une cuiller à soupe de maïzena et 5 cl de rhum (très parfumé, genre Père-Labat). Vous n'aurez besoin que de la moitié de la quantité obtenue pour cette tarte, mais il est impossible d'en faire moins ! Heureusement, la crème d'amande se conserve une bonne semaine au frigo (dans un pot hermétique), et vous trouverez sûrement l'occasion de l'utiliser. 
Étalez finement votre pâte brisée et foncez un moule à tarte beurré (évitez les moules à fond amovibles ou à rebord trop bas, car le jus de la rhubarbe risque de déborder). Déposez une fine couche de crème d'amande sur toute la surface, et 500 g de rhubarbe épluchée et coupée en petits dés (soit un petit kilo avant épluchage). Parsemez de 100 g de vergeoise, comme dans le Nord, ou à défaut de sucre roux de canne. La proportion de rhubarbe et de sucre dépend de votre goût : si vous supportez mal l'amertume de la rhubarbe, ajoutez 20 g de vergeoise. 
Enfournez à 200° pendant 10 minutes (chaleur ventilée), avant de baisser à 180° pour 30 minutes supplémentaires. Laissez refroidir deux heures au moins avant de déguster.
Attention, ne démoulez pas cette tarte, ou attendez pour cela qu'elle ait complètement refroidi. Malgré la couche de crème d'amande, le jus abondant rendu par la cuisson de la rhubarbe imprègne la pâte, qui vous paraîtra sans doute bien molle à la sortie du four. Rassurez-vous, elle se raffermira par la suite. Prenez tout de même la précaution, à la sortie du four, de passer une lame fine sur tout le périmètre de la tarte, afin d'éviter qu'elle ne colle aux rebords du moule. Vous devez pouvoir y glisser aisément votre pelle pour servir de belles parts à chaque convive, même au premier qui tendra son assiette. 
Variante : pour une version plus rustique de la tarte à la rhubarbe, on se passera de crème d'amande. Dans ce cas, pré-cuisez votre fond de tarte dix minutes à 180°, en ayant pris soin de le piquer à la fourchette, avant d'y mettre la rhubarbe et le sucre (en quantité supérieure pour compenser l'absence de crème d'amande). Puis cuisez votre tarte 30 minutes, couvrez d'un papier alu et laissez encore 10 minutes.

mercredi 16 mars 2011

Lard fumé

Lard fumé d'Alsace
S'il est une denrée où les écarts de qualité peuvent être criants, c'est bien le lard fumé. Des lardons industriels pleins de flotte à la poitrine traditionnelle fumée au bois de hêtre, il y a un monde... Et quand on a goûté à l'excellente production alsacienne, il est bien difficile de revenir en arrière.

Saviez-vous que l'essentiel des lardons vendus dans la grande distribution, et chez les pseudo-charcutiers précédemment habillés pour l'hiver, sont fumés par brumisation ou immersion ? La fumée liquide prend peu à peu le pas sur les méthodes traditionnelles ! Les fabricants de cette horreur arguent de son innocuité sanitaire. Elle est en effet débarrassée de l'indésirable benzopyrène et du goudron. On ose même affirmer qu'elle est écolo puisqu'elle évite les rejets de CO², non-OGM et même casher (idéale, donc, pour fumer le lard !) Ces gens-là n'ont honte de rien.
Les industriels font surtout de belles économies par cette technique, moins longue et plus pratique que celle du fumoir. 
L’usage des fumées liquides est autorisée par la réglementation européenne. En terme d’étiquetage, il faut distinguer deux cas : celui où elle est employée en tant qu’additif (incorporation) et celui de l'application directe (douchage ou atomisation).
• Dans le premier cas, la liste des ingrédients doit comporter la mention « arôme de fumée ».
• Dans le second, le produit peut bénéficier de l’appellation « fumé ». Il faut indiquer dans la liste des ingrédients : « fumée liquide » ou « fumée liquide de bois ».
Troisième option, que j'ai fait mienne : le boycott.
À première vue, la confection d'un bon lard fumé, base essentielle de notre gastronomie, semble assez simple : il s'agit de désosser une poitrine de porc fermier, de la saler à sec (en parfumant le sel avec diverses épices), de la laver et de la sécher soigneusement après quelques jours, puis de la fumer à froid au bois de hêtre (sciure et copeaux) pendant deux à quatre semaines selon l'épaisseur de la viande, l'humidité de l'air, la température extérieure... Si simple que chaque paysan le faisait autrefois pour sa consommation personnelle. Pourtant, rares sont ceux qui la mettent encore en pratique, et j'en sais qui ont erré longtemps avant de trouver du bon lard pour leur quiche (ne cherchez pas la contrepèterie).
En Alsace, une poignée de charcutiers artisanaux ou semi-industriels en expédient, et les meilleurs détaillants (souvent des bouchers, bizarrement) vous en procureront. Ne reculez pas devant son prix : il est plus puissant, réduit à peine à la cuisson, et se révèle donc très économique à l'usage. Son parfum fleuri, sa saveur profonde, son salage subtil en font une charcuterie de grande classe, un luxe à la portée de toutes les bourses.
Attention : un produit aussi explosif doit être manié avec précaution. Il faut apprendre à le doser pour qu'il ne masque pas le produit principal.
On peut le déguster cru, en tranches très fines (demandez au commerçant de vous les faire à la machine), seul ou avec des fruits blancs.
Toujours en tranches, on peut en entourer des pruneaux ou d'autres fruits secs avant de les passer au four. Très bon à l'apéro.
Une tranche plus épaisse parfumera la crème ou le lait, en infusion, avant de les utiliser pour une recette de soufflé, de flan ou de tarte salée.
En tranche toujours, il peut rissoler à la poêle ou dorer sur une plaque du four, pour devenir croustillant comme le bacon, et accompagner des œufs ou certains plats de poissons.
En lardons (coupés au dernier moment pour une meilleure conservation), ils parfument délicatement le chou, les petits pois, les carottes et autres légumes-racines, et sont indispensables à de nombreuses recettes mijotées comme le bourguignon, la daube, le coq au vin blanc ou rouge, les sautés de lapin... j'en passe et des meilleures.

mardi 15 mars 2011

Fricassée de porc et de légumes-racines, jus lié aux herbes


Simplissime et légère, cette préparation vise à concentrer les saveurs du porc et des légumes par la cuisson et la réduction du jus, sans ajout ni artifice. Pour que les choses aient le goût de ce qu'elles sont...

Pour 6 personnes. Prenez un kilo d'échine de porc fermier. Désossez-la (en conservant l'os) et découpez-la en gros dés (3 à 4 cm). Faîtes chauffer longuement un mélange d'huile et de beurre dans une cocotte en fonte, et faites-y revenir les morceaux de porc sur toutes les faces, en leur donnant une bonne coloration. Retirez dans un saladier.
Ciselez en tranches assez fines des carottes, des topinambours, des navets ou des radis noirs, selon votre humeur et votre envie (1 kg en tout). Mettez-les à suer dans la matière grasse rendue par le cochon, avec deux gousses d'ail et quelques branches de thym. Remuez bien pour colorer tous les légumes, salez et poivrez, puis recouvrez à hauteur de bouillon de légume.

Posez les cubes de porc sur les légumes, en évitant qu'ils ne soient eux-mêmes recouverts par le liquide. L'idée est d'achever la cuisson de la viande à la vapeur du bouillon. Couvrez et mettez à feu doux.
Au bout de 20 minutes, vérifiez la cuisson et retirez viande et légumes de la cocotte, en les gardant séparés. Couvrez-les d'un papier alu.
Faites réduire le jus de cuisson à feu vif, jusqu'à ce qu'il épaississe légèrement. Ajoutez alors du persil, de la coriandre, du cerfeuil, de la ciboulette ou tout autre mélange d'herbes fraîches hachées finement, et une noix de beurre frais. Incorporez au fouet et laissez épaissir quelques instants supplémentaires.
Servez le porc posé sur les légumes et arrosez de jus aux herbes.
Musique : Impromptus, Franz Schubert. 

lundi 14 mars 2011

Nage glacée d'orange maltaise, fruits frais

Une coupe rafraîchissante après un repas d'hiver, en hommage à cette merveille qu'est la maltaise, orange demi-sanguine de Tunisie au jus délicieux et abondant.

Pour 4 personnes.Pressez le jus de 4 oranges maltaises et pesez-le. Faites un sirop en faisant bouillir 2 minutes la moitié de ce poids en sucre blanc et 10 cl d'eau. Laissez refroidir et ajoutez-le au jus de fruit, avec les graines et la pulpe d'une grenadine.
Répartissez dans 4 coupes ou verres, que vous mettrez dans le freezer pendant au moins 4 heures, en remuant à mi-parcours, afin d'obtenir un granité encore liquide, avec une couche de glace en surface.
Pelez à vif 4 clémentines et épluchez une mangue. Découpez en dés, parsemez de 50 g sucre de canne et arrosez avec le jus d'un citron vert. Réservez au frigo deux heures. Récupérez le jus formé au fond. Mettez ce jus dans une petite casserole avec 20 g de sucre de canne, et laissez réduire à feu doux jusqu'à la consistance d'un sirop épais. Laissez refroidir.
Sortez les coupes glacées, posez sur chaque granité deux cuillers à soupe de fruits frais. Arrosez avec le sirop et ajoutez les graines et la pulpe d'un maracudja (fruit de la passion) fraîchement coupé.
Servez aussitôt, avec une tuile aux amandes si vous souhaitez un peu de croquant.
Musique : A night in Tunisia, Charlie Parker. 

dimanche 13 mars 2011

Retour d'un marché normand

Quelques produits que l'on trouve difficilement sur les étals parisiens, et que j'ai ramené du marché Saint-Pierre, qui se tient le dimanche sur le port de plaisance de Caen.
  • Du beurre de baratte, un doux et un salé.
  • De la crème fraîche produite à la ferme.
  • Une andouille de Vire de chez Asselot, puissamment fumée.
  • Un poulet de 2 kilos, nourri au  grain  pendant 180 jours (temps qu'il fallait à ma grand-mère pour élever ses poulets).

Et chez un maraîcher passionné de feuilles et racines rares et oubliées :
  • Des petites endives cultivées en fosse sous la terre et la paille.
  • Des carottes jaunes (couleur originelle des carottes).
  • De la chicorée.
  • Les premières tiges de rhubarbe du printemps.


samedi 12 mars 2011

Risotto

C'est la mode : on fait des risottos aux légumes, aux fruits, aux fruits de mer, de toutes les couleurs et pour toutes les fantaisies. Commençons par la recette du véritable risotto alla milanese, au safran, idéal avec l'osso-bucco de même origine.

Pour 4 personnes.
Préparez un 60 cl de fond de veau, délayé avec moitié d'eau s'il est brun, et faites-le chauffer. On peut aussi utiliser du fond de volaille ou du bouillon de poule concentré.
Ciselez finement un gros oignon et faites-le revenir dans une casserole à fond épais ou une petite cocotte, avec 30 g de beurre, sans coloration. Hachez 30 g de moelle de bœuf (deux rondelles) et faites-la fondre doucement avec l'oignon. Versez alors 200 g de riz rond (de type arborio, vialone ou carnaroli) et mélangez bien pour que tous les grains soient enrobés. Utilisez une cuiller en bois tout au long de la recette.
Ajoutez alors un verre de vin blanc sec, et remuez jusqu'à son absorption total. Versez 1/3 du fond de veau chaud et laissez cuire sur feu doux, en remuant souvent, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de liquide. Recommencez avec le deuxième tiers du fond de veau. Pendant que temps, déposez quelques pistils de safran (1/4 de gramme) dans le dernier tiers pour qu'il infuse quelques minutes. Quand le deuxième tiers est absorbé, versez le troisième, salez, poivrez et laissez cuire encore 10 minutes environ, en remuant fréquemment. Le riz doit devenir crémeux, sans se transformer en bouillie.
Ajoutez pour finir 30 g de beurre en petits dés et 50 g de parmesan fraîchement râpé. Retirez du feu et couvrez deux ou trois minutes, avant de servir.
Musique : Ouverture et acte I, Il Barbiere di Siviglia, de Gioachino Rossini,
compositeur et gastronome.

jeudi 10 mars 2011

Salade de fruits de mer au sarrasin

Bulots, bigorneaux et crevettes de la Manche,
sarrasin d'Ukraine
Le sarrasin : une graine trop rare dont j'ai découvert qu'elle se plaisait avec les fruits de mer, dans cette salade pleine de fraîcheur. Le printemps approche...

Pour 4 personnes.
Préparez le sarrasin la veille ou quelques heures à l'avance. Faites-en tremper 150 g dans l'eau pendant une heure et égouttez-le. Faites revenir un oignon ciselé dans une casserole avec du beurre, pour le faire suer sans coloration. Ajoutez une carotte coupée en mirepoix, et éventuellement d'autres morceaux de légumes racines (topinambour ou radis noir, par exemple), et faites-les suer une minute supplémentaire. Versez le sarrasin et remuez pour bien l'enrober de beurre. Salez, poivrez et couvrez largement de bouillon de volaille. Faites cuire à feu très doux et à couvert pendant environ 30 minutes environ. Laissez refroidir.
Le lendemain, décortiquez les fruits de mer cuits : 500 g de bulots, 500 g de bigorneaux et 200 g de crevettes grises. Préparez une vinaigrette avec 2 cuiller à soupe de vinaigre de cidre, 1 cuiller à café de moutarde à l'ancienne et 5 cuiller à soupe d'huile d'olive. Versez-y les fruits de mer et le sarrasin froid. Mélangez bien. Ajoutez au dernier moment quelques feuilles de roquette.  Parsemez de fleur de sel et de poivre au moulin. Servez avec du pain grillé, du bon beurre frais et un bon petit blanc sec (bourgogne aligoté, sylvaner ou sancerre).

Le sarrasin n'est pas une céréale, mais une herbacée dont la graine pyramidale se cuisine comme le riz ou le quinoa. On la trouve couramment à l'état de farine (pour faire les fameuses galettes bretonnes), et plus rarement à l'état naturel, car les céréales l'ont depuis longtemps détrôné dans les assiettes occidentales. Un ami m'en a ramené d'Ukraine, où il reste très populaire comme dans toute l'Europe de l'Est. J'en ai dégoté chez Izrael, épicier du monde à Paris, et on en trouve sûrement dans certaines boutiques bios.

mercredi 9 mars 2011

Michelin 2011 : à quoi bon ?

Pourquoi acheter un « guide » dont le contenu est entièrement disponible sur Internet, et qui ne donne à lire que des plans, des chiffres et des signes cabalistiques ?

Cette année, pour la première fois depuis 1992, aucune table n'est promue au panthéon des trois étoiles. Une décision courageuse, et même suicidaire. Car les éditions Michelin n'ont d'autre objet que de promouvoir une marque sur les territoires où elle veut développer ses ventes de pneumatiques. Les « reprises » des médias au moment de la parution du guide rouge sont donc cruciales, plus encore que les ventes ou la présence en librairie. Comme les journalistes ne s'intéressent qu'aux étoiles (10% à peine des tables référencées), ils ont donc peu à se mettre sous la dent cette année. La diffusion devrait donc continuer à s'effriter : elle se situerait autour de 200 000 exemplaires (net de retours), ce qui reste exceptionnel, mais très loin des 500 000 exemplaires atteints il y a encore dix ans. Les raisons de cette chute sont multiples : tout d'abord, Internet donne accès à toutes les informations utiles contenues dans l'édition papier. Michelin essaye désespérément de vendre des versions électroniques mobiles pour compenser cette tendance irréversible, mais il faudrait pour cela proposer une véritable valeur ajoutée éditoriale qui en justifierait l'achat. 
Or, et c'est la deuxième raison de la perte d'influence de ce guide, il se contente de hiérarchiser sans expliquer ses choix, sans texte d'accompagnement pour venir à l'appui des macarons et des fourchettes. Rappelons que les trois malheureuses lignes, ajoutées depuis quelques années sous certaines adresses, n'ont d'autre but que de justifier la qualification fiscale du Michelin en livre, ce qui lui permet de bénéficier de la TVA à 5,5%. Ces trois lignes sont le mieux que puisse faire une rédaction qui ne comporte ni journaliste, ni écrivain. Elles ne justifient en rien promotions et déclassements, et chaque fois qu'un chef demande des explications, il n'obtient qu'une fin de non-recevoir. Du haut de ses 110 ans de magistère sur la restauration française, le guide et ses dirigeants restent muets, laissant journalistes et professionnels se perdre en conjectures. En cette époque de transparence et de web 2.0, où les prescripteurs institutionnels inspirent plus de méfiance que de respect, ce comportement entraîne le Michelin vers le destin fatal que connut l'indicateur Chaix des chemins de fer français.
Cinq critères fonderaient l'attribution des étoiles : la qualité des produits, la maîtrise des cuissons et des saveurs, la personnalité du chef dans sa cuisine, le rapport qualité/prix et la régularité. Oui, mais encore Y a-t-il une échelle de notation sur chaque critère Quel est leur pondération respective ? Combien d'inspections et de rapports pour un 2 ou un 3 étoiles ? Le système reste très opaque, et de ce mystère le Michelin tire une partie de son prestige. On lui prête des intentions et une politique éditoriale qu'il n'a pas. On va au devant de désirs informulés, par exemple en rénovant ses toilettes ou son argenterie pour obtenir une troisième étoile (grande mode des années 80). On voit des inspecteurs partout.
Au fait, qui sont ces fameux inspecteurs ? La direction du Michelin fait mystère de leur profil et de leur effectif, car il lui serait pénible d'avouer qu'ils ne sont qu'une douzaine, ce qui est bien insuffisant pour juger les mérites de cinq mille établissements (sans compter ceux qui ne sont pas retenus). D'après les témoignages (souvent anonymes) des chefs auxquels ils se présentent pour visiter les cuisines après avoir dîné, ils ressemblent davantage à des fonctionnaires de la répression des fraudes qu'à de véritables amateurs de cuisine. 
Le Michelin est un annuaire, et même un bon annuaire pour dégoter une table satisfaisante dans une contrée méconnue. Il pourrait être un guide s'il justifiait ses classements. Mais pour se justifier, il faut en avoir les moyens : du sérieux dans l'évaluation, des idées claires et surtout du goût et du flair. C'est là que le bât blesse. Et faute de ligne et de convictions, incertain de son propre jugement quant à la qualité intrinsèque de l'assiette, le Michelin sur-pondère le décorum et le service, plus faciles à évaluer, et s'en remet trop souvent aux préjugés, à la réputation, aux fausses évidences...
Une conclusion s'impose d'ailleurs à la lecture des récents palmarès : le Michelin ne se distingue pas par son audace, et couronne souvent trop tard les meilleurs cuisiniers : le plus bel exemple de contre-temps fut la troisième étoile d'Olivier Roellinger, attribuée après vingt ans d'excellence tandis que d'autres (Bocuse, Trois-Gros, Blanc, Loiseau) ne la mérite plus depuis vingt ans. Justement taxé de conservatisme, le Michelin donne parfois des coups de volant spectaculaires et frôle la sortie de route : premières étoiles attribuées dès la première année, voire même avant l'ouverture (Ménard en 2008 à Tokyo, Ramsay en 2009, Elena en 2010), double-étoilés retirés du guide dans la précipitation, pour cause de problèmes financiers ou d'inspection sanitaire finalement sans suite (Meneau, Bardet), étoile attribuée à un rade de Hong-Kong pour montrer que l'on aime aussi les serviettes en papier, etc.
Mais l'essentiel n'est pas là. L'édition française de ce fichu livre rouge est un gouffre pour Michelin, une danseuse que la firme aimerait vendre ou liquider. La nomination récente d'une directrice allemande, la sortie d'un guide Japon, puis Hong-Kong-Macao, trahissent les nouvelles priorités éditoriales. Il serait donc grand temps que les chefs français cessent de se mettre la rate au court-bouillon, et que les touristes s'informent à d'autres sources au moment de choisir une table d'exception. La cuisine française mérite autre chose que la dictature de ronds-de-cuir à peine compétents. 
Le suicide en 2003 de Bernard Loiseau, terrorisé à l'idée de perdre un jour sa troisième étoile, fut un déclic pour beaucoup. Alain Senderens « déserta » Lucas Carton en 2005 pour ouvrir une table plus modeste sans changer d'adresse. Il y cuisine à peu près les mêmes produits, retrouve la créativité de sa jeunesse avec une brigade et des prix divisés par deux. À peine couronné, Olivier Roellinger ferma son restaurant de Bricourt en 2008, las de cette course infernale à l'excellence et aux investissements, d'autant qu'il avait l’honnêteté d'être chaque jour en personne derrière les fourneaux. Bien sûr, le Michelin se venge en les poursuivant de leurs macarons, mais ils ont ouvert une nouvelle voie : celle d'une cuisine où l'exigence se met au service des produits et des mangeurs, plutôt que des bouquets de fleurs, des couverts en argent et des pisse-froid de la police Bibendum.

mardi 8 mars 2011

Yaourt au safran et à l'eau de rose, marmelade d'orange

Dans ce dessert d'inspiration indienne, j'ai ajouté une marmelade d'orange pour son amertume et sa fine acidité.

Pour 4 personnes.
Marmelade d'orange. Pelez à vif 2 oranges, après en avoir râpé les zestes, et prélevez les quartiers en évitant les membranes blanches et les pépins. Coupez-les en petits cubes, mettez-les dans une casserole à fond épais, avec les zestes râpés et le jus récupéré pendant l'opération. Ajoutez le tiers en sucre du poids obtenu, une demi-gousse de vanille égrenée et faites cuire une demi-heure environ sur feu moyen. La marmelade doit être assez brune et épaisse. Laissez refroidir.
Concassez 30 g de pistaches fraîches. Ouvrir 4 capsules de cardamome verte et moudre les graines.
Faites chauffer 5 cl de lait entier, retirez du feu et faites-y infuser une pincée de pistils de safran pendant quelques heures, à couvert.
Versez le lait safrané sur 500 g de yaourt (indien ou grec) et mélangez soigneusement. Ajoutez 2 cuillers à soupe de sucre en poudre et 1 cuiller à soupe d'amande en poudre, 1 cuiller à soupe d'eau de rose et les graines de cardamome moulues. Battez à la fourchette.
Mettez dans 4 verres une couche de marmelade, le yaourt et parsemez de pistaches concassées.


lundi 7 mars 2011

Korma d'agneau

Le korma fut introduit en Inde par les envahisseurs moghols il y a presque 500 ans. Les descendants du terrible  guerrier turc Tamerlan, après avoir porté le fer en Inde du Nord, y ont amené l'élégance en cuisine, compensant la chaleur des épices par la douceur des laitages et la fraîcheur des herbes.


Prenez un kilo de gigot, d'épaule ou de selle d'agneau. Découpez-le en cubes de 3 cm, en conservant les os qui donneront du goût à la sauce.

Préparez la pâte épicée. Hachez un oignon moyen avec 15 g de gingembre frais, 3 gousses d'ail, 1 cuiller à soupe de noix de coco, 1 cuiller à soupe de graines de pavot. Si vous aimez les émotions fortes, ajoutez 1 ou 2 piments verts frais (je vous aurai prévenu). Mixez finement jusqu'à la consistance d'une pâte et ajoutez 1 cuiller à café de piment rouge en poudre et 3 cuillers à café de coriandre en poudre. Mélangez soigneusement.

Faites chauffer 3 cuillers à soupe d'huile dans une cocotte en fonte. Y faire revenir les morceaux d'agneau parsemés de fleur de sel. Donnez une bonne coloration, poivrez et retirez l'agneau de la cocotte. Mettez-y un bâton de cannelle cassé en petits morceaux, 3 clous de girofle et 5 grains de poivre noir et laissez frire 1 minute. Ajoutez un oignon émincé que vous laisserez dorer 5 minutes en remuant pour éviter qu'il ne se colore trop. Versez alors la pâte épicée et faites la revenir à feu doux pendant 10 minutes, en mouillant de temps en temps avec un peu d'eau pour éviter qu'elle n'attache.

Remettez alors les morceaux d'agneau et mélangez-le intimement aux épices. Ajoutez alors 150 g de yaourt entier (indien ou grec), cuiller par cuiller, sans cesser de remuer pour que la viande l'absorbe progressivement.

Le respect de ces différentes séquences est le secret de la recette. Comme souvent dans la cuisine indienne, c'est en plusieurs étapes que doivent être introduits les ingrédients, afin que chacun apporte sa texture et sa saveur particulière. Ces différentes strates donneront à la sauce sa profondeur et sa finesse.
Ajoutez 1 cuiller à café de sel fin et laissez cuire une heure à feu très doux, en remuant de temps en temps. L'agneau doit rester légèrement rosé au milieu, surtout s'il est de qualité. Ajoutez un peu de citron et rectifiez l'assaisonnement avec du poivre ou (si vous en avez sous la main) du garam masala. Au moment de servir, parsemez de feuilles de coriandre fraîche ciselée.

Servez avec un riz pilaf aux amandes et un chutney rafraîchissant, par exemple à la menthe : mixez soigneusement 5 ou 6 brins de menthe fraîche (une trentaine de feuilles) avec 2 cuillers à soupe de noix de coco et 2 cuillers à soupe de jus de citron. Ajoutez ensuite 2 pincées de sel, 4 cuillers à soupe de yaourt et 2 cuillers à soupe de miel. Le chutney se sert dans de petites coupelles au bord de l'assiette : on y trempe la viande de temps en temps pour clamer la chaleur des épices. On peut aussi servir un lassi bien frais, qui remplira le même office.