mercredi 2 mars 2011

Beurre, épisode 1 (fabrication, définitions)

Beurre cru normand (salé) de chez Alléosse,
crémier à Paris : le meilleur que j'ai goûté à ce
jour... Encore mieux que le Bordier de Saint-Malo.
Trop décrié pour sa teneur (indéniable) en cholestérol, le beurre est irremplaçable en cuisine, au moins dans celle du nord de la France et de l'Europe. En abuser, c'est mettre ses artères en danger. Y renoncer, c'est faire fi de toute une civilisation.

Le beurre est la concentration des matières grasses du lait de vache, émulsionnées par les gouttelettes d'eau qu'il contient également. Ce qui signifie, en passant, que le beurre allégé n'est pas du beurre.
Le procédé de fabrication est ancestral. Depuis que l'on élève des bovins, soit depuis 10 000 ans, ce qui remonte à la surface du lait au repos, et que l'on nomme crème, est barattée (fouettée) pour agglomérer les particules lipidiques et les séparer du babeurre, ou petit lait. Aussi faut-il 20 à 22 litres de lait, soit 3 kg de crème pour obtenir un kilo de beurre. La réglementation nous dit que le beurre doit contenir au minimum 82% de matière grasse, et au maximum 16% d'eau.
La première étape est l'écrémage, que l'on pratique aujourd'hui par centrifugation. Il doit être effectuée dès la collecte du lait.
baratte normande
Barratte normande
Le plus souvent, la crème obtenue est pasteurisée, c'est-à-dire chauffée quelques minutes à plus de 70° pour détruire toutes ses bactéries, et avec elles une partie de son parfum.
La maturation consiste à accentuer le potentiel aromatique de la crème par l'adjonction de levains naturels qui l'acidifient et produisent le diacétyle, qui donne au beurre sa note caractéristique. Ils favorisent par ailleurs la séparation de la matière grasse et du babeurre. Malgré ces adjonctions, le beurre d'été sera toujours plus goûteux et coloré que celui d'hiver, en raison de la beta-carotène, de la chlorophylle et de toutes les bonnes choses contenues dans l'herbe fraîche, et dont le fourrage sec est dépourvu.
Vient ensuite le barattage, autrefois réalisé à l'huile de coude (si l'on peut dire), en faisant par exemple tourner la crème dans un tonneau horizontal doté d'un battoir à palettes. Cette méthode était réputée plus efficace et ergonomique que celle de la baratte verticale à batte. Aujourd'hui, les barattes sont en inox et de grande taille, mais la mécanique est toujours la même. Après barattage, le beurre est à l'état de grains.
Vient ensuite le lavage, qui consiste à éliminer les résidus de babeurre et le goût acide de la crème, en passant les grains de beurre à l'eau courante très pure.
Dernière étape, le malaxage consiste à transformer les grains en une pâte homogène, avant conditionnement sous forme de mottes ou de plaquettes.
Et maintenant, quelques définitions :
Beurre cru – Fabriqué à partir de crème crue, non pasteurisée. Ce beurre est fragile et ne se conserve pas longtemps (quelques jours au frigo). Mais c'est le plus riche en goût, le plus digeste, et celui qui contient le plus de vitamines A et D, bienfaitrices pour la peau, les yeux, le système immunitaire, etc. On ne le trouve que chez les bons crémiers. Tous les autres beurres sont issus de crème pasteurisée.
Beurre bio – Comme pour tous les produits laitiers bio, le beurre biologique est issu de lait lui-même biologique. Pour obtenir le logo AB sur l’emballage, il faut donc que les vaches qui ont produit le lait aient été élevées selon des règles strictes correspondant aux normes de l’agriculture biologique.
Beurres AOC  Le beurre Charentes Poitou est issu de la production laitière des départements de la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Vendée et la Vienne. Après pasteurisation de la crème, celle-ci doit passer par une maturation biologique de 12h minimum, avant d’être barattée. Quant au beurre d’Isigny, comme pour la crème, il doit être issu de la collecte de lait en Cotentin et Calvados, dans une zone géographique bien délimitée, selon un procédé de fabrication traditionnel. L'emploi de crèmes reconstituées, congelées ou surgelées, de matières colorantes ou antioxygènes, de substances désacidifiantes destinées à abaisser l'acidité du lait ou de la crème sont, par exemple, rigoureusement interdits.
Beurre fin et extra-fin – Tous les deux fabriqués à partir de crème pasteurisée. Pour le beurre extra-fin, la mise en fabrication doit avoir lieu 72h après la collecte du lait, tandis que le barattage doit être effectué dans les 48h maximum. La crème ne doit pas du tout avoir été congelée pour le beurre extra-fin, alors que pour la fabrication du beurre fin, 30% de la crème peut avoir été congelée.
Beurre « facile à tartiner » – Une nouvelle tendance de consommation, assez douteuse selon moi. Pour le produire, on fait fondre le beurre, on le refroidit lentement en contrôlant bien la température, on recueille la partie encore molle que l'on malaxe avec du beurre normal pour lui donner sa souplesse. Ce beurre est conforme, puisqu'il contient 82% de matière grasse, mais sa consistance est huileuse et désagréable.
« Beurre » allégé et léger – Régime oblige, les beurres allégés ont la cote. Plus faible en matière grasse, ils servent surtout pour les tartines et conservent leur goût sous des chaleurs douces, mais ils supportent très mal la cuisson, du fait de leur haute teneur en eau. Ces beurres sont fabriqués à partir de crème allégée et pasteurisée. Il arrive que certains additifs soient incorporés comme l’amidon ou la fécule par exemple. Le beurre allégé contient 60 à 65% de matière grasse, tandis que le beurre dit léger en contient de 39 à 41%. Résultat : on paie l'eau au prix du beurre, pour une efficacité diététique incertaine, car on a tendance à en mettre un peu plus sur la tartine.
Doux, demi-sel ou salé ?
Le beurre doux est obtenu simplement après barattage de la crème. Pour le beurre salé ou demi-sel, il est ensuite mélangé à une proportion précise de sel. Ainsi, le beurre salé contient 3% de sel, alors que le beurre demi-sel doit comprendre entre 0,5  et 3% de sel. S’il est généralement salé au sel fin, on peut aussi saler le beurre avec des cristaux de sel, afin de lui donner du croquant. L’adjonction de sel dans le beurre servait jadis à le conserver.
Bien que normand, je dois reconnaître que le salage rehausse le goût d'un grand beurre, à condition d'être raisonnable et pratiqué au sel fin, même si quelques cristaux de fleur de sel ne nuisent pas de temps à autre. 
En principe, la margarine n'a pas sa place dans un article sur le beurre. Mais je ne peux résister à la tentation de la dénoncer, car cette horreur est à bannir de toutes les cuisines. Non seulement son goût est fade et sa consistance poisseuse, mais son intérêt nutritionnel est presque nul : aussi grasse et calorique que le beurre, elle n'a d'intérêt éventuel que dans un régime anti-cholestérol, mais alors autant utiliser de l'huile (d'olive de préférence). 
En conclusion, je conseille l'achat de deux beurres : un beurre cru, salé ou non, pour la table et le petit-déjeuner, et un beurre extra-fin, de préférence AOC, pour la cuisine. Je vous recommande l'Isigny-Sainte-Mère que l'on trouve un peu partout, ou encore le beurre d'Échiré.
Prochain épisode : la cuisine au beurre.

1 commentaire:

  1. Bravo pour cet article. Petite préférence pour ma part également pour le beurre salé, of course !!! Merci pour ce partage de connaissances !

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