vendredi 10 juin 2011

Chocolat - 3e partie : Fabrication du chocolat

Valrhona, couverturier semi-industriel à Tain-l'Hermitage,
est un des meilleurs producteurs français de chocolat.
En ajoutant du sucre de canne pour compenser l'amertume du cacao, les Espagnols avaient mis le chocolat sur la voie du succès. Mais il fallait une autre avancée majeure pour qu'il devienne ce qu'il est aujourd'hui : l’extraction du beurre de cacao, et sa réincorporation lors du conchage. Accrochez-vous !

Revenons à notre fève encore prisonnière de sa gangue (le mucilage) et de sa cabosse.
Le planteur ouvre cette dernière à la machette (rappelons que la cacaoyère moyenne est une petite exploitation où la mécanisation est en général très limitée). Les fèves sont ensuite extraites (écabossage) et débarrassés du mucilage, cette gélatine blanche  qui leur sert de placenta. Cette opération est délicate et ne peut se faire qu'avec les mains.
Les fèves sont ensuite entreposées dans de grandes caisses percées de petits trous, sous des feuilles de bananiers, non loin du lieu de récolte. Sous l'effet de la température, qui peut atteindre 50°, et des brassages quotidiens, une triple fermentation se produit : les sucres et l'acide lactique contenus dans la pulpe de la fève se transforme en alcool, ainsi que l'acide acétique dans un deuxième temps. Au cours de cette phase qui dure de 2 jours (criollos) à 7 jours (forasteros), la fève est assainie : le germe est tué, une partie de son humidité est éliminée, ce qui la fait passer du blanc ou du violet à sa couleur brune caractéristique. Elle s'affine, en perdant une partie de son astringence et de son amertume.
Mais il faut encore la faire sécher, pour atteindre un taux d'humidité de 7,5%. Les méthodes artificielles de séchage (fours ou séchoirs sous abris) sont peu recommandées car elles chauffent la fève et la privent d'une partie de ses qualités gustatives. L'idéal est un séchage solaire naturel sur claies, d'une durée de 7 à 8 jours. La fève est alors transportable, et peut être vendue aux chocolatiers.
Fèves séchées
Quelques rares artisans travaillent eux-mêmes la fève de cacao, mais l'essentiel de la production est achetée par des couverturiers, industriels spécialisés dans la fabrication de la matière première (couverture) qu'utiliseront les restaurateurs et les fabricants de produits finis (tablettes ou friandises au chocolat).
Selon leur taille, la qualité des matières premières et les marchés visés, ces industriels poussent plus ou moins loin la mécanisation des étapes suivantes, et en particulier du décorticage et de la torréfaction. Dans une grande usine, le cacao entre sur un tapis roulant pour ressortir sous forme de tablette de chocolat, sans aucune intervention humaine. Dans une plus petite structure, la production sera séquencée, le résultat goûté au cours du travail, et le processus adapté en permanence.
Les fèves sont tout d'abord triées et nettoyées, pour éliminer tout corps étranger (cailloux, brindilles, insectes, etc.), et enfin passées dans un torréfacteur où elles cuiront pour développer leurs arômes. Cette étape, qui permet en passant de décortiquer les fèves, est essentielle : elle peut être courte et douce (20 minutes à 100°), ou brutale et longue (40 minutes entre 130 et 150°). Dans le premier cas, il s'agit de préserver les arômes naturels, les notes d'épices ou de fleurs des meilleurs criollos. Dans le second, on masque par le grillé la médiocrité du « bulk cacao » issus des forasteros africains. Toujours est-il que la torréfaction apporte 20% des arômes du chocolat (d'après une savante étude du Cirad), et cette note empyreumatique dominante qui caractérise le cacao de notre enfance, et le rend irrésistible au gourmand. 
Les fèves sont ensuite concassées pour obtenir ce que l'on appelle le grué, que l'on trouve d'ailleurs chez les grossistes en pâtisserie, et constitue les fameux « éclats de cacao » de certaines tablettes. Le grué est ensuite laminé entre les cylindres d'une broyeuse très puissante, qui le chauffe et le transforme en une pâte liquide appelée masse ou liqueur de cacao. C'est la teneur en matière grasse à ce stade (55%) qui permet cette fluidité, car le beurre de cacao fond autour de 30°. En pressant cette masse (procédé traditionnel) ou le grué lui-même (industrie) grâce à de puissantes presses hydrauliques, on sépare le beurre de cacao de la matière sèche, ce qui permet d'obtenir d'une part une galette brune ne contenant plus que 8% à 20% de matière grasse, le tourteau, et d'autre part le beurre de cacao. C'est lors de cette phase de broyage que l'on fait l'assemblage des fèves d'origines différentes.
Réduit en poudre fine, le tourteau est commercialisé sans sucre (cacao en poudre, plus ou moins « maigre » selon sa teneur en graisse), ou additionné de sucre (chocolat en poudre, contenant au minimum 35% de cacao). De son côté, le beurre de cacao est utilisé dans l'industrie alimentaire et cosmétique, et mélangé avec du lait et du sucre, il devient le chocolat blanc.
La première conche de Rudolf Lindt
Le chocolat noir s’obtient en mélangeant le tourteau avec du sucre, puis en broyant de nouveau le tout pour obtenir une granulométrie homogène (raffinage). Si l'on ajoute à ce stade du lait en poudre, on obtiendra du chocolat au lait. Vient alors l'ultime étape, sans doute la plus importante : le conchage. Il consiste à brasser le chocolat dans une cuve spécifique (la conche) à 60° et à l'air libre ou avec une circulation d'air, en réintroduisant une part variable de pur beurre de cacao qui apportera de la texture et du moelleux, et un émulsifiant (lécithine de soja ou de tournesol) qui stabilisera sa texture. Cette opération peut durer jusqu'à 72 heures. L'ajout de matières grasses végétales autres que le beurre de cacao est désormais autorisé, mais c'est une pratique honteuse sur laquelle nous reviendrons dans un article sur les différentes qualités de chocolat.
Après conchage, le chocolat peut être moulé, le plus souvent sous forme de tablettes ou de plaques, pour être envoyé aux chocolatiers ou aux distributeurs.

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