mardi 12 juillet 2011

Jean-Paul Brun, vigneron à Charnay (Beaujolais)

Une belle rencontre, dans un des plus beaux paysages viticoles français. Il suffit de quitter quelques heures l'autoroute la plus fréquentée de l'été.

Il est à la fois très connu, et très discret. Tout ceux qui s'intéressent au beaujolais, et au gamay, suivent et apprécient les vins des Terres Dorées. C'est le chouchou des cavistes parisiens, la star des dégustations... Pourtant, lorsque l'on dépasse le village de Charnay (Rhône) sans avoir vu la propriété, qu'il faut faire demi-tour et demander encore son chemin, on se demande s'il ne cultive pas la discrétion autant que la vigne. Un vieux panneau manuscrit, posé parterre, invisible de la route, confirme que nous y sommes bien. Pourtant la maison est ouverte tous les jours, sans rendez-vous, et Jean-Paul Brun est bien là pour nous recevoir, en ce lundi de Pentecôte où plusieurs de ses confrères nous ont éconduits.
Il est bourru, et même méfiant. Il s'agit de l'apprivoiser. Enfin convaincu que l'on ne s'est pas arrêté au hasard, que l'on s'intéresse, que l'on est là pour satisfaire notre curiosité plus que notre soif, l'homme se détend peu à peu. Un vrai paysan : des paluches immenses, des pieds à l'avenant, de larges épaules, un visage marqué par le temps qu'il fait. Si l'on ne connaissait déjà ses vins, on s'attendrait à du rugueux, du rustique. Et c'est tout le contraire qui vous arrive dans le verre.
Des beaujolais rouges pour l'essentiel, du gamay par conséquent, ce cépage à la fâcheuse réputation, soi-disant tout-fruit, pâlot, inapte au vieillissement. Mais il y a gamay et gamay. Selon le terrain (calcaire ou granit), l'exposition (tout n'est pas au sud, loin de là), et surtout la vinification.
La plupart des vignerons pratiquent la macération carbonique dans la région, depuis qu'un certain Michel Flanzy, œnologue de son état, y a vu une façon de donner aux vins plus de fruit et de couleur sans diminuer les rendements : il s'agit de laisser la grappe et la rafle du raisin macérer avec le moût dans une cuve saturée en gaz carbonique. Les avantages de cette méthode sont évidents : on obtient en une semaine (contre 3 à 4 semaines en fermentation classique, dite aérobie) un vin facile à boire, simplifié, bloqué sur les arômes primaires de banane ou de bonbon anglais, aux tanins apprivoisés, sans amertume. Cela ne vous rappelle rien ? Le beaujolais nouveau est bien fabriqué de cette façon, mais aussi de nombreux « villages » et même certains crus de beaujolais (morgon, moulin-à-vent).

Jean-Paul Brun, lui, juge que le gamay doit se détourner de la technologie pour produire de grands vins, exprimer un terroir, développer une complexité aromatique et tannique qui évolue avec le temps. Il vinifie donc à la bourguignonne : il égrappe, laisse l'oxygène pénétrer le moût, pige pour extraire la couleur, et obtient du raisin ce qu'il s'est échiné à lui apporter par une conduite de la vigne très exigeante, proche de la culture bio. 
On sent dès la cuvée de base (Cuvée première à 5,40€) qu'il ne s'agit pas d'un vin de soif, bon pour calmer le sel de la charcuterie, mais d'un vin de repas, digeste et assez structuré pour accompagner une viande rouge. Mais c'est surtout avec L'Ancien (8.40€) et L'Ancien Le Buissy (11,40€), issus des plus vieilles vignes du domaine en appellation beaujolais, que le terroir s'exprime librement, en profondeur, sans artifice : un fruit très riche mais une palette plus large que  les habituels fruits rouges, avec des notes de cassis, de poivre, de réglisse ; une minéralité (calcaire en l'occurrence) que l'on poursuit en vain dans les beaujolais « carboniques », et une structure en bouche à faire pâlir les pinots noirs bourguignons. Précipitez-vous sur les 2009 (année exceptionnelle dans toute la France), que vous pourrez garder quelques longues années.
Avec les crus, on passe aux sols granitiques, et on gagne en subtilité aromatique, en finesse de tannins, sans perdre la charpente. Les côtes-de-brouilly (9,95€), et surtout les fleurie (12,50€) sont à boire sur de grands plats de viande ou des volailles en sauce. Ils vous étonneront par leur longueur, mais aussi par leur fraîcheur et leur rectitude en fin bouche, signe d'une acidité parfaitement maîtrisée.
Je ne saurais trop vous recommander le joli chardonnay, lui aussi vinifié à la bourguignonne, et le rosé qui se tiendra fort bien sur une grillade d'agneau ou de bœuf.
Les bons vignerons sont comme leurs vins : fermés au débouchage, ils s'ouvrent gorgée après gorgée. L'ours Jean-Paul Brun, au bout d'une dizaine de vins dégustés, nous avait fait un cours de géologie, parlé de ses méthodes, transmis ses convictions avec sourire et ferveur. Un homme certes discret, mais qui gagne à être connu...

Pour vous donner un aperçu de notre vigneron, j'ai emprunté cette video à l'excellente Marie-Julie Gagnon, l'une des rares à l'avoir mis en boîte (inutile de chercher un site internet des Terres Dorées, il n'y en a pas...)

1 commentaire:

  1. Vive le Beaujolais sans "carbonique" qui laisse s'exprimer en plenitude toute les richesses du Gamay et d'un magnifique terroir!

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